Thierry Breton : « Le coût de la suspension de la réforme des retraites sera en réalité considérable »
Entretien exclusif. L’ancien commissaire européen publie le 23 octobre Les dix renoncements qui ont fait la France, dans lequel il revient sur l’histoire de la mauvaise gestion des finances publiques.
Suspendre la réforme des retraites, c’est déjà faire payer une très lourde facture : c’est le message central de Thierry Breton dans cet entretien où il tire les leçons des renoncements français.
Introduction
Thierry Breton, ancien commissaire européen et ancien ministre de l’Économie, propose dans son nouvel ouvrage une plongée dans les « moments de bascule » de l’histoire française. Dans cet échange, il relie ces renoncements passés à la crise actuelle, et critique vivement la décision du gouvernement de suspendre la réforme des retraites.
À lire aussi: Suspension réforme des retraites : qui est concerné ?
La suspension : un renoncement qui coûte cher
Suspendre la réforme des retraites, c’est selon lui un aveu d’impuissance. La mesure, qui devait viser à repousser l’âge légal, est mise en pause jusqu’à la présidentielle — décision que Breton juge lourde de conséquences économiques et politiques.
Il prévient que ce report risque de mener à une véritable abrogation de la réforme, et de plonger la France dans une crise de crédibilité.
« On avait enfin convaincu les Français — je le reconnais, au forceps — qu’il fallait travailler un tout petit peu plus, et on revient sur la réforme. »
Cette volte-face, estime Breton, envoie un signal redoutable : toute réforme courageuse peut être abandonnée sous pression. Cela fragilise l’autorité de l’État et les engagements européens de la France.
Un bilan de « trente‑quatre » années d’irresponsabilité
Dans Les dix renoncements qui ont fait la France, Breton retrace les erreurs successives de gestion des comptes publics — de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy — et les compare à l’épisode actuel.
Il relie la décision de suspendre la réforme des retraites à cette tradition de « laisser-aller comptable », qu’il juge mortifère pour la nation.
Pour lui, la France n’a pas seulement abandonné un projet social, elle a pris un renoncement symbolique : celui de la maîtrise de ses finances. Au-delà des chiffres, c’est un choix de civilisation selon Breton.
Au-delà de l’annonce : les conséquences cachées
1. Déséquilibre budgétaire
Suspendre la réforme ne la rend pas gratuite. Breton insiste : les trous financiers seront comblés par d’autres mesures, impôts ou restrictions.
2. Crédibilité internationale
Une réforme renversée affaiblit la voix de la France sur le plan européen. Breton met en garde : on ne peut pas faire marche arrière sans conséquences diplomatiques.
3. Usure de l’autorité politique
Une promesse abandonnée peut saper la confiance des citoyens dans leurs représentants. Selon lui, le pari du gouvernement est risqué : un signal de faiblesse dans un contexte déjà instable.
Point de vue complémentaire
Au‑delà du constat budgétaire, cet épisode interroge la culture politique française : si chaque réforme peut être suspendue au gré des équilibres partisans, le pays entre dans une spirale où les grands projets de long terme deviennent intangibles.
Breton, en observateur historique, avertit que cette instabilité structurelle est peut-être le renoncement le plus grave de tous.
Conclusion
Pour Thierry Breton, la suspension de la réforme des retraites n’est pas un simple arbitrage politique, mais un renoncement majeur — économique, moral et stratégique.
Votre avis compte : pensez‑vous que l’État peut à la fois renoncer et rester crédible ? Laissez un commentaire ci‑dessous.
